vendredi 19 juillet 2019

La saga du banc mis aux rebuts




(Il y a près de deux mois, j’ai rédigé ce texte qui a été diffusé pour un groupe duquel je suis membre, et cela, sans penser que je pourrais le publier ici.  Ce groupe est formé de personnes extrêmement créatives et c’est ahurissant de voir tous les objets – vieilleries ou antiquités – que  ces gens récupèrent, recyclent, et réaffectent.)


La saga du banc mis aux rebuts 



Cette semaine, début juin, notre ville offre une collecte spéciale des gros rebuts.  Cela a lieu seulement une fois par an, et c’est souvent surprenant, voire incroyable  de voir tout ce dont les gens se débarrassent.  Voilà que j’ai eu une inclinaison soudaine d’aller faire un petit tour – histoire de me dégourdir les jambes, vous comprenez…?  Bon, je ne veux pas vous induire en erreur; n’allez pas penser que ce désir soudain m’est venu par amour pour les randonnées…    Le fait est que si je n’ai pas une raison valable ou quelqu’un avec lequel je peux sortir, ou un autre incitatif acceptable, je ne bouge pas de chez moi – point final. 

Mais, aujourd’hui, je partais en mission – une mission « rebutante » (jeu de mot intentionnel quoi que plutôt pauvre…).  Déambulant sereinement le long du sentier (ici, j’ai désiré donner un effet poétique, quand en réalité le trafic roule à plus de 80 km/heure sur notre rue) je n’apercevais que quelques amas de déchets ici et là.  

J’ai quand même récolté un beau vase qui n’était ébréché que sur sa base, à deux endroits invisibles,  ainsi qu’une jolie citrouille en céramique, parfaitement intacte.  Sortant un large sac de plastique de ma poche – car  je m’étais bien préparée – j’y ai dissimulé mes trésors, question d’en faciliter leur transport.   

Continuant ma balade, tout en souhaitant trouver d’autres splendeurs au-delà de la courbe, – soudain, je l’ai vu : un magnifique banc, tout de bois, en plein centre de choses inutiles.  J’étais en amour.   
Le banc se trouvait sur le tas de bois au centre, mais malheureusement, je ne l’ai pas pris en photo avant le « sauvetage »;  j’y suis retournée le lendemain pour photographier l’emplacement.
En l’observant d’un coup d’œil rapide, j’ai constaté qu’il était couvert de lichen, et que la planche du fond du siège était un peu pourrie – deux problèmes aisément réglés.  J’ai essayé d’en soulever un côté pour en juger de sa pesanteur, et il était très lourd.  Mais, mon cœur me répétait : « Je le veux!  Je le veux vraiment! »

Bon, vous n’êtes surement pas au courant du fait que je désire avoir un banc sur notre pelouse à l’avant de la maison, et cela depuis notre arrivée ici il y a 19 ans.  Je me serais contentée d’une planche déposée sur deux bûches...  mais ça ne s’est jamais réalisé. 

C’est ainsi que tout le long du retour à la maison, je songeais à comment je pourrais arriver à convaincre mon époux d’aller chercher ce banc.  Voyez-vous, mon époux  n’est pas de ceux qui fouillent dans les bacs à déchets ou qui font de la « plongée de benne à ordures » - je crois qu’il n’oserait probablement pas retourner chercher quelque chose dans nos propres poubelles…  soudainement, ça m’est venu – j’avais un argument de taille. 

Il s’avère que mon époux rend service à de nombreuses personnes, en leur donnant de l’aide lors de déménagements.  C’est ainsi qu’il rapporte ensuite chez-nous plusieurs objets divers – meubles, jouets, etc., en parfait état, dont nous n’avons aucunement besoin – souvent destinés à se retrouver aux poubelles car délaissés par leurs propriétaires qui n’en veulent plus.  Nous essayons ensuite de trouver quelqu’un à qui ce serait utile.  Je lui ai donc rappelé ce fait en ajoutant : « et jaimerais beaucoup lavoir ».  Eh bien, cela a marché!

Cela a fonctionné, mais à une condition : il ne fallait sortir qu’à la tombée du jour, car il ne voulait pas qu’on nous voie; alors, j’ai attendu.  Et attendu.  Et, à 22 heures 45, sentant venir la fatigue, je suis allée le voir dans son bureau.  « Chéri, il sera 23 heures dans 15 minutes, et il fait maintenant noir dehors…  Il a soupiré et du coup j’ai compris qu’il avait espéré que je l’allais oublier toute cette affaire.  « Bon daccord, » a-t-il répondu, « laisse-moi terminer cette page (il lisait) et jarrive. »  Jai enfilé mes bottes, mon parka doublé, mes gants de travail en cuir et j’ai attendu (patiemment) devant la porte d’entrée.

« Voudrais-tu que japporte une lampe de poche? », lui ai-je demandé.  « NONNNN!!!  Je ne veux surtout pas attirer les regards et être vu! »  Nous voilà donc partis, à un gros deux minutes de chez-nous, en fourgonnette.  

J’aperçois pour la première fois, des boîtes postales communautaires, à environ cinq mètres du tas de rebuts et du fameux banc…

« Cest parfait! » dis-je, tentant de l’apaiser, « On va penser que nous sommes venus chercher notre courrier! »  « Hum, » fit-il tout en stationnant de l’autre côté des boîtes postales, le plus loin possible du banc.  « Parfait, » grommelais-je en silence.  « Maintenant je vais devoir porter ce monstre deux fois plus loin – et cela si je suis en mesure de le soulever au préalable… »  

Tandis que je suis mon mari nerveux qui se dirige vers le ramassis de rejets, il attrape rapidement son côté du banc en soufflant «  Vite, prends ton bout. »  Eh bien, jai essayé de mactiver, mais il y avait des bardeaux et d’autres trucs sous le banc, ce qui fait que je devais le hisser encore plus haut – et misère, il était lourd!  Finalement, nous avons réussi à l’installer dans la fourgonnette et mon époux c’est empressé de déguerpir en écrasant l’accélérateur.  

Arrivés à la maison, nous l’avons arbitrairement laissé, en pleine nuit, sur le bord de la pelouse, placé là temporairement.  Je suis euphorique!  Je l’ai, mon banc, et je le trouve formidable! 

Mon mari est sorti tôt ce matin armé de son ruban à mesurer pour le reluquer, et il a conclu qu’il ne le réparera pas.  « Ça n’en vaut pas la peine » dit-il, quoi qu’à mon avis, il semble réellement solide, mis à part cette seule planche détériorée.  Par contre, il a décidé que ce banc est si bien fait qu’il pourra s’en servir comme gabarit pour en construire d’autres (au pluriel!) identiques.  J’ai immédiatement pensé « Hum, on verra bien… », en lui demandant de m’aider à le déplacer vers l’endroit tout désigné, dans le rond-point….  à suivre…



Grand-maman Priscille

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