(Il
y a près de deux mois, j’ai rédigé ce texte qui a été diffusé pour un groupe duquel
je suis membre, et cela, sans penser que je pourrais le publier ici. Ce groupe est formé de personnes extrêmement
créatives et c’est ahurissant de voir tous les objets – vieilleries ou antiquités
– que ces gens récupèrent, recyclent, et
réaffectent.)
La saga du banc mis aux rebuts
Cette semaine, début juin, notre ville offre une
collecte spéciale des gros rebuts. Cela
a lieu seulement une fois par an, et c’est souvent surprenant, voire
incroyable de voir tout ce dont les gens
se débarrassent. Voilà que j’ai eu une
inclinaison soudaine d’aller faire un petit tour – histoire de me dégourdir les
jambes, vous comprenez…? Bon, je ne veux
pas vous induire en erreur; n’allez pas penser que ce désir soudain m’est venu
par amour pour les randonnées… Le fait
est que si je n’ai pas une raison valable ou quelqu’un avec lequel je peux
sortir, ou un autre incitatif acceptable, je ne bouge pas de chez moi – point
final.
Mais, aujourd’hui, je partais en mission – une mission
« rebutante » (jeu de mot intentionnel quoi
que plutôt pauvre…). Déambulant
sereinement le long du sentier (ici, j’ai désiré donner un effet poétique,
quand en réalité le trafic roule à plus de 80 km/heure sur notre rue) je
n’apercevais que quelques amas de déchets ici et là.
J’ai quand même récolté un beau vase qui
n’était ébréché que sur sa base, à deux endroits invisibles, ainsi qu’une jolie citrouille en céramique,
parfaitement intacte. Sortant un large
sac de plastique de ma poche – car je
m’étais bien préparée – j’y ai dissimulé mes trésors, question d’en faciliter
leur transport.
Continuant ma balade,
tout en souhaitant trouver d’autres splendeurs au-delà de la courbe, – soudain,
je l’ai vu : un
magnifique banc, tout de bois, en plein centre de choses inutiles. J’étais en amour.
Le banc se
trouvait sur le tas de bois au centre, mais malheureusement, je ne l’ai pas pris
en photo avant le « sauvetage »;
j’y suis retournée le lendemain pour photographier l’emplacement.
|
En l’observant d’un coup d’œil rapide, j’ai
constaté qu’il était couvert de lichen, et que la planche du fond du siège
était un peu pourrie – deux problèmes aisément réglés. J’ai essayé d’en soulever un côté pour en
juger de sa pesanteur, et il était très lourd.
Mais, mon cœur me répétait : « Je le veux! Je le veux vraiment! »
Bon, vous n’êtes surement pas au courant du fait que
je désire avoir un banc sur notre pelouse à l’avant de la maison, et cela
depuis notre arrivée ici il y a 19 ans.
Je me serais contentée d’une planche déposée sur deux bûches... mais ça ne s’est jamais réalisé.
C’est ainsi que tout le long du retour à la maison, je
songeais à comment je pourrais arriver à convaincre mon époux d’aller chercher
ce banc. Voyez-vous, mon époux n’est pas de ceux qui fouillent dans les bacs
à déchets ou qui font de la « plongée de benne à ordures » - je crois qu’il n’oserait
probablement pas retourner chercher quelque chose dans nos propres poubelles… soudainement, ça m’est venu – j’avais un
argument de taille.
Cela a fonctionné, mais à une condition : il ne fallait sortir qu’à la tombée du jour, car il ne voulait
pas qu’on nous voie; alors, j’ai attendu.
Et attendu. Et, à 22 heures 45,
sentant venir la fatigue, je suis allée le voir dans son bureau. « Chéri, il sera 23 heures dans 15 minutes,
et il fait maintenant noir dehors… Il a
soupiré et du coup j’ai compris qu’il avait espéré que je l’allais oublier toute
cette affaire. « Bon d’accord, » a-t-il répondu, « laisse-moi terminer cette page
(il lisait) et j’arrive. » J’ai enfilé mes bottes, mon parka doublé,
mes gants de travail en cuir et j’ai attendu (patiemment) devant la porte
d’entrée.
« Voudrais-tu que j’apporte une lampe de poche? », lui ai-je demandé. « NONNNN!!! Je ne veux surtout pas attirer les regards et
être vu! » Nous voilà donc partis, à un gros deux
minutes de chez-nous, en fourgonnette.
J’aperçois
pour la première fois, des boîtes postales communautaires, à environ cinq
mètres du tas de rebuts et du fameux banc…
« C’est parfait! » dis-je, tentant de l’apaiser,
« On va penser que nous sommes
venus chercher notre courrier! » « Hum, » fit-il tout en stationnant de
l’autre côté des boîtes postales, le plus loin possible du banc. « Parfait, » grommelais-je en silence. « Maintenant je vais devoir
porter ce monstre deux fois plus loin – et cela si je suis en mesure de le
soulever au préalable… »
Tandis
que je suis mon mari nerveux qui se dirige vers le ramassis de rejets, il
attrape rapidement son côté du banc en soufflant « Vite, prends ton bout. » Eh bien, j’ai essayé de m’activer, mais il y avait des bardeaux
et d’autres trucs sous le banc, ce qui fait que je devais le hisser encore plus
haut – et misère, il était lourd!
Finalement, nous avons réussi à l’installer dans la fourgonnette et mon
époux c’est empressé de déguerpir en écrasant l’accélérateur.
Arrivés à la maison, nous l’avons arbitrairement
laissé, en pleine nuit, sur le bord de la pelouse, placé là temporairement. Je suis euphorique! Je l’ai, mon banc, et je le trouve formidable!
Mon mari est sorti tôt ce matin armé de son ruban à
mesurer pour le reluquer, et il a conclu qu’il ne le réparera pas. « Ça n’en vaut pas la peine » dit-il, quoi qu’à mon avis, il
semble réellement solide, mis à part cette seule planche détériorée. Par contre, il a décidé que ce banc est si
bien fait qu’il pourra s’en servir comme gabarit pour en construire d’autres
(au pluriel!) identiques. J’ai immédiatement
pensé « Hum, on verra bien… », en lui demandant de m’aider à
le déplacer vers l’endroit tout désigné, dans le rond-point…. …à
suivre…
Grand-maman Priscille